Le classement cyclable
Introduction
L’année 2022 a vu fleurir dans nos métropoles des annonces de grands plans de voies vélo structurantes. Pour se distinguer, les équipes municipales ont même innové sur le nom de cette colonne vertébrale du vélo destinée à faciliter la transition vers une métropole avec moins de voitures : Nantes aura ses voies magistrales, Rennes aura son REV (Réseau Express Vélo), Lyon ses Voies Lyonnaises, Paris son RER-Vélo (Réseau express régional).
Ces bonnes nouvelles s’étaleront sur la prochaine décennie, sauf si une loi ambitieuse est passée par des responsables politiques ayant pris conscience de l'urgence et il sera donc important de suivre avec attention la construction de ces voies. Qu’en est-il de la situation aujourd’hui, et de son évolution mois par mois ?
Le nouveau classement des métropoles les plus cyclables, https://villes.plus/cyclables, permet de mettre un chiffre sur ces avancées.
Pour chaque métropole, des itinéraires sécurisés sont tracées par un logiciel de routage, de chaque mairie vers les quatre autres mairies les plus proches. Dans la v2, les arrêts de bus sont ajoutés. La proportion des kms véritablement sécurisés de ces itinéraires est calculée, pour obtenir un score final en pourcentage.
L’idée du classement est la suivante : comment prétendre au titre de métropole cyclable si même les infrastructures les plus sécurisées entre les points importants du territoire exposent les cyclistes à un danger permanent ? Si même nos élus sont tentés de prendre la voiture pour ne pas vivre dans la crainte de se faire frôler par un chauffard pendant 15 minutes deux fois par jour ?
Les métropoles les plus cyclables dans l’édition de décembre 2022 obtiennent environ 30 % (Bordeaux, Strasbourg, Toulouse). Les moins cyclables obtiennent seulement quelques % (Aix-Marseille, Nice, Saint-Étienne).
La première version du classement se concentre sur les métropoles, et non les communes. Pourquoi ? Car on a toujours tendance à confondre commune et métropole, voire centre-ville et commune ! Or, si le centre est souvent piéton et cyclable, il ne concentre en général que moins de 10 % de la population.
Notez bien la date : le classement étant complètement automatisé, basé sur OpenStreetMap, un nouveau score sera établi chaque mois. Une fois l’algorithme stabilisé, relu, critiqué, l’évolution de ce score sera à suivre de près pour surveiller et récompenser les métropoles les plus engagées, dans la pratique, pour le vélo.
Bien sûr, comme tout classement, celui-ci n’est que complémentaire de l’existant, en premier lieu du Baromètre des villes cyclables, qui chaque année s’intéresse de façon déclarative au ressenti des cyclistes. On ne sera pourtant pas étonné de voir des similarités entre les résultats de ces initiatives (Strasbourg sur le podium, Marseille dans les choux), mais aussi des divergences, car ils ne mesurent pas la même chose.
🧮 La méthode de calcul
Pour établir le classement, chaque ville est testée tous les mois par un robot qui va simuler des itinéraires et mesurer la proportion de chemin cyclable.
Pourquoi, pourquoi pas, comment ? On vous explique de façon détaillée la méthode de calcul des scores de cyclabilité sur cette page dédiée.
Foire aux Questions
Qui porte et finance ce classement ?
Le classement est financé par le lobby des cyclistes, une organisation déjà très puissante en France, installée sur la place de la Concorde à Paris.
C'est une blague, hein ! C'est simplement un projet citoyen dont le code est entièrement ouvert, respectant les plus hauts standards de conception de modèles numériques publics.
Tout le monde est bienvenu pour critiquer et surtout participer à son amélioration. Depuis le début du projet, des centaines de commentaires sont venus améliorer l'algorithme et suggérer de futurs travaux pour augmenter l'objectivité des classements.
Il est principalement développé par Maël THOMAS-QUILLÉVÉRÉ, développeur et entrepreneur public.
Pourquoi je croirais ce classement ?
Au risque de nous répéter : le projet est entièrement open source et documenté, chacun peut le scruter et l’améliorer.
Même si nous pensons qu'il est raisonnable de croire en notre sérieux, l'idée est que tout le monde puisse le vérifier en toute autonomie, plutôt que de reposer sur des arguments d'autorité et des boîtes noires cachées derrières des serveurs et des intérêts privés.
Quels sont les équivalents ?
À notre connaissance, il n'y a pas d'initiatives équivalentes, ni en France, ni en Europe, ni dans le monde. Si vous en connaissez, dites-le sur le forum !
Le projet du Baromètre des villes cyclables est proche dans son objectif : évaluer la cyclabilité des territoires. Mais très différent dans son approche, qui consiste à sonder les citoyens, plutôt que la réalité des infrastructures cyclables.
Aucun des deux projets ne remplace l'autre : demandez à un néérlandais ce qu'il pense du réseau cyclable d'une ville française, il lui mettra 1/10 même si cette ville est première de son département, car l'appréciation des gens est relative à leurs exigences. À l'inverse, demandez à un Niçois ce qu'il pense de cette belle voie au beau milieu de laquelle la ville a planté un lampadaire : 0 / 10, car le vécu des usagers est incontournable.
Le classement est biaisé, aucune ville ne peut atteindre plus de 50 %
Si bien sûr ! Seulement, il ne faut pas rester en France, un pays qui n'a que peu d'ambition (pour l'instant !) pour la pratique du vélo : direction Amsterdam et ses presque 80 % ! D'ailleurs, Strasbourg est la seule ville française à dépasser les 50%.
Oui, vous avez bien lu, il n'y a qu'une seule ville en France à avoir la moyenne, en 2023.
C'est impossible de rendre cyclable une ville : le score de 100 % est impossible
Si bien sûr. La solution la plus simple consiste à y interdire les voitures, et n'autoriser que les véhicules au compte-goutte : urgences, assistance, déménagement, certains professionnels, etc.
Mais que le conservateur ou le réaliste en vous se rassure : même en gardant le droit de circuler sans attestation en voiture, il est possible de faire des voies cyclables séparées partout où c'est assez large, et de donner la priorité aux cyclistes sur le reste des routes. On appelle ça une vélorue, il y en a à Rennes dans le centre et les voitures y circulent à... 20 km/h à la place des 15 km/h de moyenne qu'elles faisaient à cause des bouchons dans le passé.
Donc si, le score de 100 % est possible. Il faut juste le vouloir, politiquement. En fait, il suffit d'écrire une loi et l'appliquer.
En ville OK, mais dans la campagne, on ne peut pas rendre tout cyclable !
Il est vrai qu'on ne maillerait que difficilement tout le territoire avec des voies cyclables, et il semble difficile d'imposer aux automobilistes de rouler derrière les vélos à 20 km/h sur de longues lignes droites entre les champs.
Pourtant, rappelez-vous que ce classement ne teste qu'un pourcentage faible de tous les segments : à la campagne, vu le peu d'arrêts de bus, notre algorithme testera essentiellement les liaisons principales entre communes. Pas la route qui relie la ferme de Jean-Luc au bois de Kerhuella.
D'ailleurs, rappelons aussi que l'algorithme ne choisit pas bêtement l'itinéraire le plus court entre les points : si les mairies décidaient de rendre cyclable une route (par exemple, bordant un vignoble) en parallèle d'une autre réservée aux voitures, même si elle faisait un détour raisonnable, elle serait prise en compte dans le classement. Alors, au boulot !
Rendre cyclables les grandes liaisons inter-commune, n'est-ce pas un minimum à exiger ? Avec ce minimum, une métropole pourrait atteindre facilement plus de 50 %, voire 80 %, même dans ses zones rurales. Vivement le futur.
Mais vous n'avez pas intégré les "voies vertes" !
Non, c'est vrai : il y a deux types de voies vertes en France. Celles qui sont considérées comme des voies vélo où les piétons peuvent marcher, souvent bitumées, et celles qui sont plutôt dédiées aux piétons, souvent en stabilisé.
Ces dernières peuvent poser de grands problèmes : souvent la seule possibilité pour un piéton pour se déplacer sereinement, ce dernier y est de plus en plus gêné par les cyclistes roulant de plus en plus à 25 km/h en électrique. Son chien est incapable de se faire aux vélos.
Pire : les "voies vertes", où doivent cohabiter des véhicules roulant à 25 km/h et des piétons à 3 km/h (donc 25 fois moins vite) sont souvent la seule et unique politique cyclable du territoire. Alors insistons : si l'essentiel des km de votre territoire est assuré par des "voies vertes", vous avez un gros problème.
Pour vous aider à vous en convaincre : à Amsterdam, mais aussi dans sa périphérie rurale, il n'y a aucune "voie verte".
Pourtant, c'est un sujet : nous envisageons d'intégrer au plus vite les voies vertes comme un supplément à visualiser sur la carte. Nous saurons ainsi quel % de cyclabilité est offert par les voies vertes en fonction du territoire. Affaire à suivre.
Pour en savoir plus, photos à l'appui, rejoignez la discussion sur cette analyse de l'intégration des voies vertes.
Les infrastructures cyclables ne sont pas les seuls ingrédients d'un territoire vélo !
C'est tout à fait vrai. Bien qu'elles soient la colonne vertébrale de cette politique, de nombreuses autres décisions politiques entrent en jeu : il faut des attaches vélo, des réparateurs, des salons, des fabricants locaux, des influenceurs et politiques qui s'y mettent, des journalistes qui en parlent, des douches au boulot, des cours d'éducation au vélo, et une myriade d'autres paramètres.
En particulier, il faut que les gens achètent des vélos qui leur donnent envie de rouler : découvrez si vous bénéficiez d'une aide à l'achat d'un vélo électrique, pliant, cargo sur Mes Aides vélo.
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